Le Vercors… Où souffle la liberté.

Au moment où est annoncée la restauration d’un ancien refuge de résistants [1] nous arrive un article du Québec écrit par un visiteur Photojournaliste : Eric de Wallens.

Aujourd’hui, le Vercors est souvent synonyme de tourisme, de voyages, de randonnées dans des paysages magnifiques, du moins pour les non-résidents. Quoique pour les régionaux de l’étape, c’est sensiblement la même chose… Je n’y ai pas échappé non plus lors de mes quelques déplacements dans ce « coin » de France.

En effet, dans une autre vie, lorsque j’habitais encore en Europe, je descendais de ma Belgique natal, direction le sud-est de la France afin de rejoindre l’Isère et ce fameux massif du Vercors pour aller passer quelques jours chez ma Maman. Elle réside tout là-haut au milieu de ses montagnes.

C’est aussi un lieu historique chargé de légendes et d’aventures en tout genre et pour un passionné d’histoires militaires, comme je le suis, je n’ai pas été déçu lors de nos randonnées, Maman / Fils. Cette passion est sans doute l’une des raisons pour laquelle j’ai servi plusieurs années dans les Forces Belges en Allemagne pendant la Guerre Froide, dans les années 80. Et que, depuis mon retour à la vie civile, je suis actif, voire très actif dans le monde des associations patriotiques en Belgique d’abord, puis au Québec depuis mon arrivée au Canada, il y a plusieurs années.

Bon… voilà que je m’éloigne de mon sujet… Revenons dans le Vercors afin de voyager dans le temps et de le remonter quatre-vingt-trois ans en arrière. Hitler et son national-socialisme sont à l’apogée de leur « succès » ; ils pensent tous autant qu’ils sont que leur ineptie criminelle va durer 1000 ans. Ce peuple vert-de-gris continue d’envahir régions et pays depuis l’Allemagne, en passant par les Sudètes, l’Autriche, la Pologne, la Belgique, la France et bien d’autres régions, tel le Vercors.

Vivre en montagne demande d’avoir du caractère et de la résistance, il est rare qu’un résidant originaire de cette partie de la France baisse les bras et se laisse faire, c’est ce que les Allemands vont découvrir assez vite.

A cette époque, le paysage était sûrement aussi beau qu’aujourd’hui, la vie devait être rude, mais agréable. Dès le début de cette nouvelle guerre, l’ambiance change rapidement, d’abord par l’arrivée de réfugiés poussés par l’avance allemande, qui est le résultat final de l’exode commencé bien plus haut, dans le nord. Mais aussi par la constitution de groupes de résistance formés par des femmes et des hommes connaissant bien cette région dans laquelle l’envahisseur n’osait pas trop s’aventurer.
Un jour, Maman me dit : "Je vais t’emmener à Valchevrière".

Valchevrière, voilà un nom agréable, mais quand je l’ai entendu pour la première fois je me demandais bien ce que cela pouvait-être : 
-Val… Vallon. Chevrière, chèvre, le vallon de la chèvre ? 
Non, en réalité, c’est un village de montagne sur la départementale 215, dans le massif du Vercors à environs une heure de Grenoble, sur la Commune de Villard-de-Lans, département français de l’Isère. Valchevrière est un des symboles de l’héroïsme des Résistants pendant la Seconde Guerre mondiale ; aujourd’hui c’est un village en ruines.

Je disais village, mais vu la taille de ce lieu, c’est sans doute plus un hameau. Pour y arriver, vous laissez votre voiture à côté du belvédère érigé en mémoire des résistants morts en ce lieu. Deux solutions s’offrent à vous pour y descendre, un chemin carrossable ou bien le vieux chemin glissant, mais pittoresque qui serpente à travers bois. Après avoir marché une dizaine de minutes sur les cailloux et autres feuilles mortes, vous arrivez à la première maison du hameau en ruine. C’est un chemin historique, en effet, il était utilisé par les hommes et leurs mules jusqu’en 1895, c’est pour cela que les abords avaient été consolidés par des blocs de pierre disposés de chant afin que l’eau s’écoule sans faire de dégâts.

Une fois cette bâtisse dépassée vous arrivez dans une clairière où se situait ce village de montagne qui a été habité jusqu’aux environs de 1921. Mais pourquoi a-t-il été détruit ? La Guerre une fois de plus est passée par là ; lors de ce conflit, Valchevrière était un refuge pour les Résistants et les Maquisards, il était également un lieu stratégique pour verrouiller le passage entre le nord du Vercors et le Sud. Bien évidemment, cela ne plaisait pas aux Allemands encore présents dans la région en 1944 et ils vont arriver en force pour faire sauter ce verrou le 21 juillet 1944, soit à peu près un mois et demi après le débarquement de Normandie. Ils atterrissent en planeurs afin de débarquer des troupes aéroportées, mais aussi par camion.

Ici, la Résistance française est composée en général d’anciens Chasseurs Alpins mais aussi d’habitants locaux, ils sont aguerris au combat en montagne ; ces jeunes gens sont commandés par le Lieutenant Chabal, lui-même aux ordres du Capitaine Goderville, de son vrai nom : Jean Prévost, écrivain et Journaliste dans la vie civile. Les ponts ont été dynamités, des arbres ont été abattus pour ralentir l’avance ennemie et le seul chemin d’accès passe par le camp des Maquisards de Valchevrière, les Allemands arrivent de toutes parts, cela tire dans tous les sens, les envahisseurs sont équipés en armes et en matériel lourds, mais les Résistants tiennent bon pendant deux jours, malgré les hommes qui tombent, le Lieutenant Chabal sera aussi tué.

Le 23 juillet 1944 tout est terminé, le hameau est en flamme les derniers combattants français encore en vie s’échappent.

Comme je le disais, aujourd’hui Valchevrière est totalement en ruine, sauf la chapelle qui a miraculeusement échappé à la destruction, vous pouvez marcher entre les restes des maisons du village, qui a une autre époque vivaient au rythme des saisons.

Valchevrière et la Nécropole nationale de Vassieux-en-Vercors, deux lieux historiques distants d’une cinquantaine de kilomètres ayant vécu la furie teutonne qui embrase Vassieux les 21 et 22 juillet 1944, dans des combats sanglants tels que ceux déclenchés par Kriemhild après la mort de Siegfried décrits dans la chanson des Nibelungen dans la mythologie germanique.

Durant la Seconde Guerre mondiale, le Maquis était très actif dans ce secteur, c’était le principal centre de parachutage de l’aviation alliée sur le plateau. Les Allemands pensaient, dans leur grande naïveté, ou peur des résistants locaux, que l’ensemble des villageois faisaient partie de l’Armée des Ombres.
Soixante-douze habitants seront massacrés et la totalité des maisons brûlées, lors d’actions commencées quelques mois plutôt, entre le 16 et le 23 avril 1944, lors de l’arrivée de centaines de miliciens à la recherche des maquisards, de leurs armes et des caches utilisés par ceux-ci.

Ces collabos ne vont pas par quatre chemins, forts et fiers de leur appartenance à un troisième Reich, déclinant de plus en plus. Ils utilisent la violence, les interrogatoires musclés sans oublier les menaces, les perquisitions et toutes actions existantes dans la panoplie du parfait tortionnaire. Au bout d’une semaine, après avoir trouvé quelques caches, ils repartent avec des prisonniers en laissant sur place, gisant dans une mare de sang, le cadavre de trois personnes fusiliers ! Quelques semaines plus tard, des milliers d’hommes débarquent sur les plages normandes et Radio Londres appelle la résistance à se mobiliser.

L’Etat-Major allemand, en observant la carte de la région et en analysant les informations en leurs possessions, savent très bien que ce secteur est une zone d’importance dans le plan allié, en effet, les parachutages servant à approvisionner la résistance continuent. Cette situation ne peut plus durer, le Maquis du Vercors doit être rayé de la carte, et pour cela, toujours très organisé, le Général Pflaum va réunir 40 planeurs, 10.000 hommes de sa 157e division de montagne, renforcé par la Milice. Leur but est de frappé vite et fort.

Face à eux, 4.000 résistants, femmes et hommes, mal équipés et sans expérience réelle du combat, verrouillent le secteur. Le docteur Ganimède organise un hôpital de campagne dans la grotte de la Luire avec quelques médecins et infirmières qui soignent les blessés.

Dès le 13 juin 1944, les premiers assauts sont lancés, le 13 juillet, un bombardement aérien fait plusieurs morts et détruit une quarantaine de maisons et l’église.

21 juillet, 09h00, aéroport de Lyon, tout est prêt pour lancer l’assaut, vingt-deux planeurs sont arrimés aux bombardiers Dornier 17 afin de les tracter sur la zone de largage. Les moteurs tournent à plein régime, pied sur les freins, les pilotes attendent le signal de départ…

Deux jours plus tard, le gros des combats est terminé, mais il faudra encore attendre la mi-août pour voir les Allemands quitter le Vercors, laissant derrière eux, des ruines et des morts. 201 des 800 habitants du plateau sont morts, dont 73 habitants le village de Vassieux ; 639 résistants sont tués au combat. L’hôpital de la Luire n’est pas épargné, l’aumônier et deux des trois médecins sont fusillés, des blessés ont été achevés et les infirmières encore en vie, seront envoyées en camp de concentration de Ravensbrück. Le Docteur Ganimède, lui, a réussi à fuir.
 
Photojournaliste : Eric de Wallens© - Québec
Pour Initiatives-Vercors.fr - Août 2023


Sources : Mes randonnées avec Maman.
et les sites :
Archiveslarrousse.fr
chemindemémoire.gouv.fr.
objectifmag.be
ordredelaliberation.fr
museedelaresistanceenligne.org.reseaucanope.fr
Wikipédia.

« Vassieux en Vercors », un ouvrage du collectif de l’association VESPA « Vassieux et son patrimoine ». Imprimerie Notre Dame - Montbonnot – 2022.



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