Les ours de nouveau à Villard... Reportage en images.
Suite du précédent article "L’aménagement du rond-point des Geymonds à Villard-de-Lans : un gros cadeau de Noël aux villardiens" : vous saurez tout sur les nouveaux ours de Villard de Lans, grâce au reportage d’Henrianne, pour initiatives-vercors.fr .
A l’occasion du précédent article annonçant l’arrivée d’une famille d’ursidés sur le rond-point des Geymonds, leur « créateur », Serge Lombard, expliquait ses réactions par rapport à la possibilité qu’il avait de participer à la soumission d’un projet pour l’aménagement de ce lieu. Voici la suite de l’histoire et le simages...
Prévenu à la fin du mois de décembre 2011 de ce que son projet avait été retenu, Serge Lombard se mit mentalement et physiquement au travail, vérifia son outillage, acquis ceux qui lui faisaient défaut, participa aux réunions successives qui eurent lieu à la Mairie de Villard-de-Lans, en vue de la mise au point dudit projet, avec tous les responsables concernés.
Voici une vidéo commentée par l’artiste, puis nous reviendrons sur tous les détails...
Le choix de la pierre...
Il ne restait plus qu’à attendre la fin de l’hiver et la fonte des neiges, afin de pouvoir chercher, à travers les montagnes villardiennes, les trois blocs de calcaire urgonien du Vercors, desquels naîtraient en 2012 une Ourse, son oursonne et son ourson.
Roche sédimentaire formé par le dépôt de barrière récifale il y a environ, 115 millions d’années, le calcaire urgonien, abondant dans les chaînons subalpins, mais de qualité assez inégale, est très présent dans le Vercors.
Particulièrement excellent à œuvrer, embelli par le polissage, il peut être considéré comme une pierre marbrière. Entre autres, une des sculptures en urgonien vercussien de Serge Lombard se trouve au Musée du Marbre de Rance, en Belgique. Ce minéral comporte de la calcite (carbonate de calcium), parfois des traces d’oxyde de fer, et de nombreux fossiles tels des débris de coquilles, de rudistes ou autres mollusques récifaux des mers chaudes du Crétacé, qui sont autant de pièges pour le sculpteur.
Monsieur Denis Arnaud, Responsable du Centre Technique Municipal de Villard de Lans, connaît bien son « stock », mais seul le sculpteur a le pouvoir de déceler lesquels pourront « faire l’affaire » ; ensemble, le 18 juin, ils firent le tour des dépôts naturels montagnards.
Serge Lombard repéra cinq blocs ce jour-là qu’il retourna voir plusieurs fois afin de les tester et de les mesurer ; trois furent retenus et transportés en camion à l’atelier provisoire.
Le "chantier"...
Voici une vidéo commentée par l’artiste, puis nous reviendrons en détail sur ces ours...
Le soleil s’était levé depuis peu, ce vendredi 6 juillet, lorsque le futur ourson (180/200 kg) fut installé, à peine à l’abri des intempéries, et se prêta à la taille de ses formes.
Sculpteur depuis trente-deux ans, Serge Lombard a créé des œuvres de toutes les dimensions pouvant entrer dans une maison, un musée ou sur les étagères d’une vitrine de salle d’exposition, mais ces futurs ours sont ses premières, importantes, sculptures monumentales. Il a entamé son « chantier » avec une plus grande angoisse et un stress décuplé : « Je suis informé sur la texture par la façon dont la pierre « saute » sous l’outil. Les trois ou quatre premières minutes me donnent un éclairage sur le potentiel du bloc, mais aussi m’inocule de l’anxiété si la première impression est marquée par la découverte d’indices laissant présager des vices se cachant peu ou pas du tout …. ».
Il en est ainsi chaque jour, quelle que soit la taille de ses sculptures, à chaque coup de disqueuse pour l’ébauche, à chaque entaille du ciseau ou de la gradine… Trois semaines plus tard, Tilou était né et son créateur se sentait presque heureux de voir l’arrivée du « petit » sans trop de problèmes : « Il y a dans ma manière de procéder à la taille directe une façon d’être qui relève des qualités, de mon point de vue, de l’ethnologue. Accueil et disponibilité bienveillante à l’adresse de ce qui ne paye pas de mine, selon le jugement commun. Une forme de flottement teinté de l’indécision, une mise en retrait, une estampe, une éventuelle envie de maîtriser la roche ; je ne maîtrise rien du tout, j’accorde ma volonté d’agir, d’inscrire, un sujet dans une matière, aux caractéristiques de la pierre. Cette relation donne lieu, je l’espère à des jeux d’équilibres, parfois un peu incomplets, parfois rayonnants parce que touchant le sens de l’esthétique de tout un chacun, fut-ce la personne se fichant de l’art comme…. de sa première chaussure. »
Par prudence, pour s’échauffer à la tâche, Serge Lombard a décidé de sculpter moderato : de Tilou et son petit air coquin avec un coquillage dans le fond de son œil droit, il est passé à l’oursonne, Tilda. S’il n’avait pas eu trop de difficulté à affronter le premier bloc d’urgonien pour donner vie au petit ours, il n’allait pas en être de même avec le second ; le calcaire, plus dur encore, recelait des imperfections mais aussi de la calcite et des fossiles, héritages des temps anciens où le territoire était sous eaux bien avant de devenir le Vercors. Un peu plus grand, le bloc, réservé à l’oursonne, était aussi plus lourd (250/300 kg) ; tout comme Serge Lombard l’avait pressenti, il lui offrit du fil à retordre, crescendo.
Sculpter des blocs émanant d’une carrière de pierre, donc, en principe, dénués de défauts, est certainement plus « simple », mais non moins dur, que de travailler des pierres sauvages. Celles-ci, peu importe leur taille, réservent bien des surprises merveilleuses ou désagréables au sculpteur tout au long de la création d’une œuvre : selon la structure de la pierre, elle peut se briser à tout moment ; physiquement, par l’effort que demande le maniement des pierres de poids et la poussière qui s’infiltre par tous les interstices en se jouant des protections installées ; moralement, par l’anxiété de la réalisation, tout au long de la création de l’œuvre, qu’elles que soient ses dimensions : « Quitte à paraître un être « primaire » ! Attention à bien vouloir cerner, peser, ausculter une des essences de ce terme, très souvent l’acte prime sur la personne.
En effet, c’est l’observation des réactions de la matière sous l’outil pulsé par la réquisition de mon corps ou mu par une force mécanique qui, là aussi, mobilise tout le corps, les engins électro-portatifs ou pneumatiques réclamant une vigilance telle que celle-ci engendre des tensions musculaires, articulaires ou tendineuses extrêmes, dans les toutes premières minutes qui orienteront la façon dont je vais me confronter à la matière qui dessinera les moyens de mise en œuvre, - cette expression prenant toute sa substance dans le contexte qui me concerne !
Ces toutes premières minutes sont d’une importance énorme. Instantanément défilent bientôt trois décennies d’expériences de vécu sensoriel… Pour être simple, je cherche immédiatement des points de comparaison, quelques repères tactiles. En règle générale, ce premier contact ne déroge pas à cette constatation : à l’opposé de Pablo Picasso qui était fier d’afficher qu’il ne cherchait pas, il trouvait, il me faudra fouiller dans cette masse de matière, tâtonner, chercher ».
Madame Carlioz, Maire de Villard-de-Lans accompagnée de Madame Mater, adjointe à la Culture, sont arrivées un samedi, impatientes de voir le trio installé sur le rond-point des Geymonds. En un mois, la gestation de Tilda pris fin. Elégante, toute en finesse malgré sa corpulence naissante, avec un bijou en coquillage dans le creux de son oreille droite, elle était prête à rejoindre son petit frère lorsque le sculpteur s’avisa, avec son humour habituel, qu’il manquait son coup de patte très personnel : une petite souris se glissa entre les pattes arrières de l’oursonne. Le 16 août, juste après la visite d’un admirateur venu d’Orange, elle rejoignit Tilou, bien à l’abri… ils avaient tout le temps de bavarder des choses de la vie d’oursons.
La grande ourse...
Au premier coup d’œil, dans la forêt, la forme de la pierre, destinée à la création de l’ourse, conseillait à Serge Lombard de sculpter la tête en premier. Bien que l’ayant eu à portée de son regard pendant deux mois et tâté de la pointe de son ciseau plus d’une fois, de nombreuses questions techniques le lancinaient ; mais avant de trouver les réponses, il lui fallait préparer l’assise.
Il sentit l’angoisse et le stress l’envahir en découvrant le bloc (2,5/3 tonnes) encore plus dure, et, contre toute attente, en constatant l’éparpillement d’oxyde de fer dans tout son corps : « ce n’est pas courant dans l’urgonien du Vercors » me dit-il, « je suis un athlète de la recherche ; recherche usante puisque « inscrire » une forme dans un volume où la nature n’avait rien prévu d’en faire sortir, à l’origine, est une épreuve d’un doute lancinant, ponctué de « victoires » éphémères. Le « tient, je trouve que je me suis bien débrouillé sur telle partie de la sculpture » que je m’accorde en guise de satisfecit, tel soir, peut être remis en question le lendemain. La sculpture en taille directe est une guerre d’usure ; pour me coller à mes trois blocs, je me suis conditionné le mental, comme si j’allais me coltiner plusieurs mois de compétition. Il ne s’agit pas d’une allusion gratuite ; je garde viscéralement ancré en moi des réflexes acquis par les épreuves soutirées de sport de longue distance, en individuel, tel le ski de fond, puis la course d’orientation, si ce n’est les prémices du « trail » au milieu des années 70. Cette somme de connaissance, de gestion du corps dans l’effort, remisé dans les fibres de celui-ci ainsi que dans les granges de la mémoire, est une des bases ou des socles permettant d’assurer ce corps à corps avec la matière qui ne laisse personne indemne : ni le sculpteur, ni la « chose » sculptée ».
Au fil des jours de sa métamorphose, Maelina reçu des visites : le Conservateur du Musée de Nantes, d’ardents collectionneurs de sculptures lombardiennes des régions parisienne et villardienne, des enfants dont une adorable fillette de 7 ans enchantée de voir le trio, un reporter-photographe Belge, entre autres humains ; car il y a eu un chat, poils dressés, tout effrayé par la masse imposante qui prenait forme, comme ce fut aussi le cas des chiens du secteur dont un se mit furieusement à aboyer sur l’ourse, qui voyait-il ?
Par un bel après-midi d’un dimanche ensoleillé d’automne, est aussi arrivée une adorable et gracieuse hermine qui est restée en arrêt devant Maelina, certainement toute étonnée de voir une ourse de retour dans le Vercors !
Pendant une bonne heure elle a fait des aller/retour entre sa cache et son énorme découverte ; le sculpteur a fixé cette rencontre mémorable au bas des pattes arrières de l’ursidé, comme il a également déposé sur son côté droit un « Guide des Tanières du Villard-de-Lans » paru aux « éditions du Scialet ».
En route !
Enfin arriva le grand jour… le vendredi 30 novembre 2012… Inoubliable par l’émotion et les performances pour ce déménagement. En voyant « ses » ours s’élever dans l’air au petit matin froid (-10°), que le soleil hésitait à réchauffer, Serge Lombard a ressenti un gros serrement de cœur : près de cinq mois d’un travail dur, difficile, épuisant ont défilé en trois, quatre secondes devant ses yeux ; vivement il conseilla de trouver des protections pour les oreilles de Maelina que les chaînes risquaient d’érafler… le fait de les voir suspendus dans le vide pour rejoindre le camion prévu au transport était très saisissant.
Mais tout cela n’aurait pas pu être possible sans la décision de Madame le Maire et de tous les membres du Conseil Municipal, ainsi que de l’importante aide précise, attentionnée, de Denis Arnaud et de ses nombreux techniciens municipaux qui, de près ou de loin, ont participé à cette grande aventure villardienne d’introduction d’ours sur le rond-point des Geymonds, ce sont : des Ateliers Espaces Verts : Sébastien au transport et à la manipulation des pierres, Christophe à la recherche des pierres et Marie-Laure à la mise en place des ours sur le rond-point ; des Ateliers de la Voirie : Gilles au transport et à la manipulation des pierres, Justin également à la mise en place des ours et, avec Philippe, au transport des lauzes méaudraises (j’en parlerai au printemps prochain) ainsi que Boris pour la maçonnerie et la préparation des socles sur lesquels les ours ont été inébranlablement fixés ; des Ateliers Fluide : Wilfried pour l’éclairage des ours ; enfin de l’Atelier Menuiserie : Sylvain, Joël, Nicolas, et Jeremy pour les coffrages et le calages des ours.
A l’instar des grands de ce monde, le père de cette famille se fera attendre jusqu’au début du mois de septembre. Son arrivée vous sera relatée, c’est évident ! A suivre donc.
Henrianne van Zurpele, pour initiatives-vercors.fr - le 7 février 2013.
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