Sisampas… à Rencurel.

Ce petit village du Vercors existait au XIème siècle sous le nom de « Rancurelo ». Actuellement, un peu plus de 300 habitants y vivent en permanence. Partant de Méaudre deux sentiers séculaires, toujours praticable avec prudence et de bonnes chaussures de « marche en montagne », arrivent au village de Rencurel (alt. entre 1.625 m et 631 m) qui s’étend sur 3.463 km. C’est la porte à côté ! Malgré ce très ancien « voisinage » les habitants des Quatre Montagnes surnomment Rencurel « le trou perdu »… C’est malheureusement réel car il faut absolument une voiture, une moto, un vélo, éventuellement un cheval, pour se déplacer de Rencurel vers un « ailleurs » ; pas de ligne de bus et le TAD (transport à la demande) n’a plus été renouvelé depuis 2018 ; bref, quand on ne possède ni l’un ni l’autre, il vaut mieux pratiquer l’auto-stop pour en sortir, ce qui n’est pas facile tous les jours, surtout en ces temps de Covid.

J’ai décidé malgré tout de vous en parler, car ce village, comme d’autres dans le Vercors, a une « Histoire » très ancienne, pleine de rebondissements au cours des âges et de surprises aussi ; un seul article ne suffira pas à la narrer, donc il y aura un ou deux « suivants » à celui-ci qui vous parle, partiellement, de la vie actuelle du village.

Venant de Villard-de-Lans, par les sublimes Gorges de la Bourne, juste avant le hameau de « La Balme de Rencurel », il faut tourner à droite et suivre la jolie route qui monte en lacets vers le cœur de Rencurel. Au détour d’un tournant, sur la gauche, dans le fond, apparaît l’église Saint-Jean-Baptiste - Pierre Vigne [1] dont le clocher monte fièrement dans le ciel et un bâtiment aux volets récemment repeints en « bleu du Vercors ». Il fut, tour à tour, le petit séminaire de Grenoble dont sorti trois futurs évêques célèbres, l’un le fut à Monaco, puis une maison de repos pour personnes valides. Après un abandon de quelques années, la bâtisse fut rachetée « pour une bouchée de pain, en 1982 » (m’a-t-il été dit) par un rencurellois, qui, au fil du temps, y installa un restaurant où l’on « mangeait bien » (dixit d’anciens clients récemment de passage sur la place de l’église), et une cantine pour les enfants de l’école de Rencurel. Après quelques avatars, la « sci les Genêts » fut créée en 2008 et l’intérieur des deux immeubles fut progressivement aménagé en appartements mit en vente en octobre 2017, ils ont, presque tous, trouvé un acquéreur [2].

Le cœur du village, perché à 820m d’altitude, est encerclé de falaises calcaires, de montagnes et de forêts sillonnées par quelques chemins anciens dont certains ont été, hélas, modernisés « en autoroute pour randonneurs pédestres » ; ils ont perdu leur charme d’antan. Souvent, la nuit, les cris des rapaces nocturnes et l’aboiement de l’un ou l’autre chevreuil retentissent. Au Printemps, de multiples passereaux, dont des hirondelles, des martinets, des moineaux, des mésanges bleues et charbonnières, des verdiers, des rougequeues, entre autres, entremêlent leurs chants de l’aube au coucher du soleil ; ils établissent leur domicile dans les vieux murs du village, sous les toits des maisons ou dans les arbres des forêts alentours, afin d’y accueillir leur progéniture. Saviez-vous que détruire des nids d’hirondelles ou de martinets est interdit [3] ?? Quant aux buses variables, rapaces diurnes de la famille des Accipitridae, elles établissent leur aire en lisière de ces mêmes forêts ou tout là-haut dans les falaises ; les voir apprendre à voler à leurs jeunes est un délice pour les yeux. Le ciel est parfois traversé par des hérons ou des aigles, souvent par des hélicoptères qui accourent en sauveteurs de l’un ou l’autre parapentiste ou escaladeur des parois de calcaire ayant « dévissé ». Quelquefois, des avions surgissent des nuages, et le chant de leurs moteurs provoque une grande envie de « partir ». Certains, avions militaires s’inclinent légèrement sur la gauche et se glissent entre deux montagnes, en frôlant sur leur droite Chalimont (1.587 m) et à leur gauche Perrelier (1.145 m).

Dans la montée, vous passez à droite devant une ferme dont les vaches, très occupées à brouter l’herbe verdoyante, ne vous regardent même pas mais leur copain, un Border collie, chien sympathique aux poils blanc et noir, se dresse au passage de votre voiture et, parfois, vous « course » en aboyant. Bon gardien des lieux, il n’épargne ni les cyclistes ni les piétons. Un peu plus haut à gauche, après un chalet quasi perché sur pilotis, aux fenêtres perpétuellement closes, le regard est plus attiré encore par une grande bâtisse blanche à étages, aux volets rouges ; le chemin qui y mène vous invite à entrer. C’est la grande ferme maraîchère, bio, des « Sisampas ». Il y manque le panneau indicateur du lieu, il est en projet. La route continue en méandres arborés, passe au-dessus d’un ruisseau dévalant de la montagne pour se jeter dans la Doulouche qui, plus bas, coure grossir La Bourne ; puis elle continue à gauche, vers l’école, la Mairie, l’hôtel du Marronnier [4] et au-delà le col de Romeyère (alt. 1.068m). A droite elle bifurque, se rétrécit, et devient la « « route du Bécha » qui monte vers l’église en passant devant le tennis et l’ancien lavoir du village dont le muret laisse s’échapper l’eau s’évadant des prairies qui le surplombe. Cette petite route, en hiver, lorsqu’il gèle fort, est souvent bien verglacée et c’est avec prudence qu’il vaut mieux la monter ou la descendre.

A la droite de l’église, se trouve le Monument aux morts des deux dernières guerres, entièrement rénové, en 2018, par Serge Lombard, sculpteur en taille directe [5]. Derrière cet édifice, à quelques mètres à vol d’oiseaux, s’élève en majesté la montagne nommée « Chalimont » que l’on voit des quatre points cardinaux où que l’on se trouve au-delà. A sa droite s’étend le village de Saint-Julien et plus loin on imagine celui de Saint-Martin.
Une plaque « touristique », dessinée par Serge Lombard, expliquant le paysage, est apposée sur la rambarde communale. Proposée, en 2019, au Maire, Michel Eymard et aux membres de son Conseil municipal, elle a été fixée par l’équipe de « Sylva charpente », juste avant les élections municipale de 2020. Ils l’avaient chaleureusement acceptée, sachant que dès la fonte des neiges les visiteurs du village de Rencurel, armés de leur appareil traditionnel de photographie ou de leur « mobile », sont immanquablement attirés par la beauté du paysage qu’ils mitraillent.

Mais, retournons sur nos pas, jusqu’à la ferme maraîchère « bio » des « Sisampas » que je vois depuis ma fenêtre. Située à 750 mètres d’altitude, elle s’étend sur trois hectares et a été créée par un jeune couple : Carla et Etienne arrivés, en 2018, avec une fillette et son petit frère. Une petite sœur a agrandit la famille il y a onze mois.

Au printemps 2019, ils ont entamé leur première saison et quatre ans après leur arrivée leur bilan est positif sur tous les points : Carla et Etienne ne regrette pas leur choix de vie. Dans les années 1800, deux fermes se trouvaient sur ce grand terrain qui fut acquis, en 1930, par Monsieur Albert Collavet dont l’épouse, Alice (87 ans) a très sympathiquement répondu en abondance à mes questions… pour un autre article.

Carla me dit que « près d’un hectare est consacré aux légumes de saison, six serres permettent de protéger les cultures les plus sensibles ; afin de favoriser la biodiversité nous avons aménagé des zones fleuries, des haies et une mare. Le reste du terrain est occupé par le verger et le pré où trois chèvres font office de tondeuses et des poules qui, parfois, font la grève de la ponte d’œufs surtout quand il fait très chaud !! » Etienne ajoute : « Nous voulons produire vingt-huit tonnes de légumes chaque année (certifié AB depuis 2018 grâce aux bonnes pratiques du précédent exploitant). Nous commercialisons en vente directe ; pendant deux ans, nous avons vendu dans notre ferme les samedis matins, mais depuis le 22 mai 2021 c’est sur le tout nouveau marché qui se tient à La Balme de Rencurel, au parc « Jean Serratrice ». Il y a là plus de place pour chacun des exposants, telle la Ferme de Lucie et ses fromages de chèvres, entre autres. Sur commande, nous préparons des paniers hebdomadaires, approvisionnons des restaurants de proximité et nous fournissons également de petits volumes aux magasins proches de l’exploitation. Des fruits et des plantes médicinales et aromatiques viendront progressivement compléter la production. » Depuis quelques semaines, divers musiciens viennent égayer l’espace de ces samedis matins très conviviaux.

Ce n’est pas tout, au centre de leurs grands espaces verts, Carla et Etienne ont aménagé un gîte au cœur de leur ferme ; l’appartement a été complètement rénové et équipé [6].

A La Balme de Rencurel, le Parc Jean Serratrice surplombe la Bourne et a été créé par les nouveaux occupants de la Mairie de Rencurel dont la Maire est Jessica Locatelli qui s’est entourée de trois adjoints, six conseillères municipales et… un conseiller municipal. Le marché du samedi matin s’y est installé récemment et a même un logo. Le journal local, « L’air du temps », existant depuis quelques décennies, c’est adapté aux nouvelles techniques et se lit autant sur internet que sur ce bon vieux papier mais recyclé. Avec cette nouvelle équipe, Rencurel et ses habitants sont repartis, en 2020, pour de nouvelles aventures !

Dans le N°80 du magazine du PNR « Le Vercors », un article est consacré à la réduction de l’éclairage public dans les villages (pages 14 à 16) ; dans son Edito, Jacques Adenot, Président du PNRV, annonce que le Parc est candidat pour l’obtention du label RICE : Réserve internationale de ciel étoilé. Rencurel a devancé ce souhait puisque depuis plusieurs mois l’éclairage du village s’éteint à 23H…

Henrianne van Zurpele – 17 octobre 2021 pour www.initiatives.vercors.fr


[1Un prochain article lui sera consacré.

[2Vous êtes intéressés ? Il en resterait 3 ou 4 à vendre : si vous souhaitez en acheter, il se peut que vous soyez confronté à la Loi Macron 2015, protection des locataires à partir de 70 ans… https://www.priorite-seniors.fr/habitat/peut-on-expulser-un-locataire-de-plus-de-70-ans/ Tél. 06.81.14.51.90

[5Serge Lombard : quelques articles ont été publiés sur ce sculpteur en taille directe dans www.initiatives.vercors.fr entre autres.



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Messages

    Bravo pour cet article qui nous en apprend beaucoup sur certains espaces du Vercors dont les médias parlent moins. Vivement le Printemps que l’on puisse découvrir ces ballades pour le moins fort attractives. Bravo également pour la mise en lumière de la jeune génération visiblement très attachée à la terre et aux richesses qu’elle est encore capable de produire de manière très naturelle.
    Nous avons hâte de découvrir la suite de ce reportage.

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